L’édition 2021 des Journées de neurologie de langue française a été l’occasion pour la Société française d’études des migraines et céphalées de présenter les nouvelles recommandations de prise en charge et traitement de la migraine. On fait le point.
Traitement de la migraine : nécessité d’une prise en charge spécifique
La migraine est une pathologie qui touche en France plusieurs millions de personnes. Imprévisibles, les crises migraineuses peuvent être déclenchées par des facteurs alimentaires, hormonaux, psychologiques, environnementaux ou liés au mode de vie (manque de sommeil, stress…). Les crises de migraine peuvent être très variables en fréquence, en intensité et en durée d’un patient migraineux à l’autre mais également chez une même personne. L’impact de la migraine sur la qualité de vie et l’activité professionnelle peut donc devenir rapidement invalidant, surtout en cas de crise sévère.
La prise en charge de la migraine repose à la fois sur le traitement des crises et sur la mise en place d’un traitement de fond préventif pour en réduire la fréquence. Or, selon le Pr Anne Ducros, neurologue au CHU de Montpellier : «Il est temps de faire passer le message que les crises de migraines ne doivent pas être traitées par des antalgiques mais par des traitements spécifiques car la migraine n’est pas une douleur mais une maladie neurologique dont la douleur n’est qu’une expression ».
L’édition 2021 des Journées de neurologie de langue française a ainsi été l’occasion pour la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC) de présenter les nouvelles recommandations en termes de prise en charge de la migraine.
De nouvelles recommandations pour le traitement des crises migraineuses
Les dernières recommandations en date remontaient à 2012. Or en 9 ans, de nouveaux médicaments ont été développés d’où la nécessité pour la SFEMC d’établir de nouvelles recommandations.
Selon le Docteur Caroline Roos de l’Hôpital parisien Lariboisière, il faudra rechercher les facteurs déclenchants (par exemple alcool, cycles menstruels, bruits, lumières) avant toute instauration d’un traitement d’une crise de migraine. Mais attention à ne pas avoir recours à une éviction stricte qui risquerait d’altérer la qualité de vie du patient et augmenter sa sensibilité à ces facteurs.
S’agissant du traitement de la crise de migraine, l’aspirine seule (à la dose maximale de 3 g) ou en association au métoclopramide (3 comprimés par jour au maximum de 900 mg d’aspirine et de 10 mg de métoclopramide) est fortement recommandée. Il n’en est pas de même pour le paracétamol qu’il soit administré seul ou en association avec la caféine. Il bénéficie en effet d’une recommandation faible en raison du risque d’abus de la consommation d’antalgiques et du risque de chronicisation de la migraine lié à la consommation de caféine. De leur côté, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) font l’objet d’une recommandation forte pour le diclofénac, le flurbiprofène, le naproxène, l’ibuprofène et le kétoprofène et modérée pour l’indométacine. Quant à la famille des triptans, six d’entre eux ayant une autorisation de mise sur le marché sont fortement recommandés en raison de leur efficacité importante (almotriptan, élétriptan, frovatriptan, naratriptan, rizatriptan, sumatriptan). Ainsi en cas de douleur migraineuse d’intensité modérée ou sévère, il est désormais recommandé d’administrer d’emblée un triptan, puis, après 1 heure, éventuellement un AINS.
À savoir ! L’objectif des médicaments prescrits contre la crise migraineuse consiste à soulager complètement la céphalée dans les 2 heures. Cependant, leur administration ne doit pas se faire plus de 8 jours par mois en raison d’un risque de céphalées secondaires.
Dans la migraine avec aura, l’AINS sera pris pendant l’aura et le triptan au moment de la céphalée. Les opiacés devront être évités en raison d’un risque de mésusage.
À savoir ! L’aura désigne un ensemble de symptômes neurologiques, le plus souvent visuels, qui surviennent avant le déclenchement du mal de tête. Les migraines avec aura sont également appelées « migraines ophtalmiques ».
Ce n’est qu’à la suite du traitement de trois crises migraineuses que l’absence d’efficacité ou une mauvaise tolérance au traitement pourront être évaluées au moyen d’une échelle d’évaluation M-TOQ (Migraine Treatment Optimization Questionnaire). Ainsi, face à une résistance au triptan, il sera possible de :
- Donner un AINS et un triptan de façon simultanée
- Changer l’AINS ou le triptan
- Modifier les doses et la galénique (forme suppositoire, spray ou sous-cutanée)
Par ailleurs, il sera proposé un traitement de fond aux patients utilisant un traitement de crise au moins 8 jours par mois avec une migraine sévère ou avec une migraine chronique.
À savoir ! On parle de migraine sévère lorsque le patient présente au moins 8 jours de migraine par mois et de migraine chronique lorsque le patient souffre de maux de tête pendant au moins 15 jours par mois pendant plus de 3 mois.
En cas d’échec thérapeutique ou à l’occasion de la première consultation, la SFEMC conseille aussi d’évaluer l’état émotionnel du patient et de rechercher la présence d’une anxiété ou d’une dépression grâce à une échelle spécifique (échelle HAD).
Il conviendra enfin de citer deux autres médicaments faisant l’objet d’une recommandation forte du fait de leur grande efficacité et d’effets indésirables limités. Il s’agit d’antagonistes du récepteur du CGRP (Calcitonin Gene-Related Peptide) : le rimégépant et l’ubrogépant, qui ne sont pour l’instant pas encore disponibles sur le territoire français.
À savoir ! Le CGRP (peptide relié au gène de la calcitonine) est un puissant vasodilatateur qui élargit les vaisseaux sanguins dans le cerveau. Il est impliqué dans la transmission de la douleur et la pathogenèse de la migraine.
De nouvelles recommandations pour la prévention des crises
S’agissant de la prévention des crises de migraine, les recommandations sont les suivantes :
- Pour la migraine épisodique, les traitements par voie orale fortement recommandés en première intention sont les bêta-bloquants propranolol et métoprolol. En cas de contre-indications aux bêta-bloquants, les patients se verront administrer de l’amitriptyline, du topiramate, et du candésartan.
- Pour la migraine chronique, seul un traitement par voie orale a fait preuve d’un niveau d’efficacité élevé : le topiramate. Ce médicament est donc prescrit en première intention dans ce cas. En cas d’échec, un second traitement préventif sera proposé.
Enfin, les recommandations vont intégrer dans l’arsenal thérapeutique trois nouveaux anticorps monoclonaux (érénumab, frémanézumab et galcanézumab) réservés aux patients migraineux après échec d’au moins deux traitements de fond classiques. Ces traitements pourront également être proposés aux patients migraineux chroniques après échec de deux traitements préventifs oraux ayant inclus le topiramate. Seul bémol, on ne peut trouver en pharmacie que le galcanézumab. Non remboursé, il affiche un prix public de 245 euros par mois !
Gageons que ces nouvelles recommandations dont la publication est attendue pour le mois d’octobre prochain permettront de faciliter la prescription de traitements efficaces contre la migraine.
Déborah L., Docteur en Pharmacie
– Migraine : bientôt de nouvelles recommandations. medscape.com. Consulté le 12 juillet 2021.
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