Stress, tension mentale, lumières fortes… les salles d’opérations présentent de nombreux facteurs pouvant déclencher des migraines. Au-delà des conditions préopératoires, dans quelle mesure les anesthésiques opératoires peuvent-ils impacter la survenue des migraines ? Une étude taïwanaise récemment publiée montre que le risque de déclencher des migraines après une opération est important.
Quels sont les mécanismes impliqués dans les migraines ?
La migraine est un trouble neurovasculaire complexe qui touche près de 15 % de la population mondiale. Bien que des avancées diagnostiques et de prise en charge soient en cours, la migraine constitue la deuxième cause d’invalidité au monde et un enjeu économique majeur, notamment dans les pays développés.
Quels sont les mécanismes qui se cachent derrière les migraines ? Une des théories sur la genèse des migraines propose qu’elle résulte de stimuli transmis lors de la dilatation des petites artères, aussi appelées artérioles, situées dans les méninges (membranes protégeant le système nerveux central). La vasodilatation des artérioles est une information transmise par les récepteurs à la douleur, appelés nocicepteurs. Ils captent l’augmentation de volume des vaisseaux sanguins et transforment cette information en message douloureux.
Ainsi, un anesthésique qui provoquerait une dilatation des artérioles des méninges pourrait être responsable d’une crise migraineuse. Des études menées sur des modèles animaux ont montré que certains anesthésiques opératoires volatiles, qui présentent un effet vasodilatateur des vaisseaux des méninges, sont également des déclencheurs de migraines après anesthésie générale. Cela contraste avec les études qui ont démontré que le Propofol, anesthésique communément utilisé durant les anesthésies générales, est un médicament anti-migraineux intéressant. Il est donc nécessaire de poursuivre les études afin de mieux comprendre les effets globaux des anesthésies générales sur le développement des migraines.
Les anesthésiques opératoires sont déclencheurs de migraines ?
Le contexte autour d’une opération chirurgicale est propice à la survenue de migraines. Le stress, la tension mentale, les lumières fortes dans les chambres d’hôpital sont autant de facteurs favorisant les migraines. D’ailleurs, des études ont révélé que les personnes migraineuses ont plus de risques de présenter des complications préopératoires tels que des vomissements, la survenue d’accidents vasculaires cérébraux et un risque accru de ré-hospitalisations.
De plus, l’apparition de migraines après l’opération est une cause potentielle de détresse émotionnelle et/ou de troubles du sommeil qui mettent à mal la récupération après une chirurgie. Si le lien entre anesthésie et apparition de migraines est encore mal connu, il s’agit d’un facteur important à comprendre et à prendre en compte pour éviter autant que possible les complications autour des opérations chirurgicales.
Dans ce contexte, une étude publiée en début d’année et menée par une équipe taïwanaise a voulu déterminer si le type d’anesthésie impacte le risque de survenue de migraines en postopératoire. Pour cela, les auteurs ont exploité la base de données de l’assurance maladie nationale de Taïwan afin de faire une étude de cohorte. Ils ont inclus les personnes qui ont suivi pour la première fois une procédure chirurgicale avec une anesthésie générale ou une rachianesthésie (la substance anesthésiante est injectée dans l’espace contenant le liquide-céphalo-rachidien). Les individus inclus n’ont jamais présenté de migraine avant la chirurgie. Au total, l’étude compte 68 131 personnes ayant subi leur première anesthésie générale et un nombre équivalent de personnes qui ont suivi une procédure avec rachianesthésie.
Les résultats de l’étude montrent, qu’au total, 658 personnes ont souffert de leur première migraine au cours de la période de 6 mois de suivi postopératoire (318 après une anesthésie générale et 340 après une rachianesthésie). L’incidence de primo-migraines après anesthésie s’élève à 9,82 pour 1 000 chaque année (l’étude porte sur des données acquises entre 2002 et 2013). Par conséquent, ces travaux révèlent un risque de développer de nouvelles migraines après une anesthésie mais ne mettent pas en évidence une différence entre les deux types d’anesthésie étudiés.
Les femmes plus à risque de développer des migraines post-opératoires
L’étude apporte également un éclairage sur les facteurs de risque qui influencent l’apparition de migraines après une chirurgie ayant nécessité une anesthésie. L’âge, le sexe, la présence de troubles anxieux ou dépressifs, l’utilisation concomitante de certains médicaments ainsi que le nombre d’hospitalisations dans le parcours médical du patient sont des facteurs saillants. Plus précisément, ce sont les jeunes femmes atteintes de troubles anxieux ou dépressifs et ayant été admises plusieurs fois à l’hôpital qui présentent le plus de risques de développer des migraines après une anesthésie générale ou une rachianesthésie. Ces travaux offrent des éléments intéressants pour faciliter les diagnostics précoces et pouvoir intervenir rapidement lors de la survenue de migraines postopératoires.
Les auteurs n’ont pas pu étudier dans quelle proportion ces migraines deviennent des migraines chroniques. Des études supplémentaires sur le sujet permettraient de connaître l’impact potentiel sur la qualité de vie de ces complications postopératoires. Par ailleurs, il aurait été intéressant d’inclure un groupe de patients qui souffrent de migraines avant la procédure chirurgicale. Cela constitue-t-il un terrain important dans la survenue de complications postopératoires ?
Alexia F., Docteure en Neurosciences