Si les causes d’apparition de la migraine sont nombreuses et encore mal connues, l’alimentation pourrait avoir un impact non négligeable. Certains aliments seraient en effet déclencheurs de crises de migraine quand d’autres pourraient aider à les prévenir. La 22e édition des Rencontres de Neurologies a été l’occasion pour la neurologue Virginie Corand de faire le point sur le sujet.
Le rôle de certains aliments dans la survenue des migraines
Bien qu’elle touche 15% de la population française, la migraine est une maladie dont les causes restent à ce jour mal connues. Le rôle de l’alimentation dans la survenue des migraines représente d’ailleurs un sujet hautement controversé parmi les scientifiques dans la mesure où de nombreuses questions demeurent à ce jour sans réponse. Certains aliments sont en effet considérés comme des déclencheurs possibles de migraines, mais pas pour tout le monde : « Les patients migraineux sollicitent souvent leur praticien sur ce sujet, mais leur répondre avec certitude reste délicat », reconnaît la neurologue Virginie Corand.
La 22e édition des Rencontres de Neurologies a ainsi été l’occasion pour le Dr Corand de faire le point sur les données existant dans la littérature entre migraine et alimentation. 12 à 60% des patients migraineux seraient sensibles à l’effet d’un aliment déclencheur, selon les données de différentes cohortes. Le risque de survenue de migraine après consommation d’un aliment déclencheur est évoqué lorsque deux conditions sont réunies : survenue d’une céphalée dans au moins 50% des cas où le patient est exposé à l’aliment et survenue d’une céphalée le jour de l’exposition à l’aliment suspecté.
Dans ce contexte, le journal de bord alimentaire tenu par le patient constitue un outil précieux pour aider à établir le lien entre la consommation de l’aliment et la survenue d’une migraine.
À savoir ! Certains professionnels de santé recommandent à leurs patients migraineux de tenir un journal de bord alimentaire. L’objectif consiste à suivre ce qu’ils mangent quotidiennement et à mettre en relation leur régime alimentaire avec les éventuels symptômes qu’ils éprouvent pour tenter d’identifier et de supprimer le potentiel aliment déclencheur de migraine.
D’après les données de la littérature, l’existence d’un aliment déclencheur semble plus fréquente dans la migraine épisodique que la migraine chronique et plus fréquente dans les formes avec aura que sans aura. Le déclenchement de la migraine serait dose et durée-dépendant mais cette affirmation nécessite d’être étayée par des études plus approfondies.
À savoir ! La migraine avec aura également appelée migraine ophtalmique désigne un phénomène neurologique et non une maladie oculaire. Cette pathologie se caractérise par des manifestations oculaires précédant la crise douloureuse de migraine comme l’apparition de « mouches » noires ou points lumineux devant les yeux ou encore l’apparition d’un écran noir qui divise par deux le champ de vision.
Parmi les substances étudiées par les scientifiques : la caféine, que l’on retrouve dans les formules de nombreux produits antimigraineux vendus sans ordonnance. Cependant, la frontière reste mince entre un taux de caféine apte à réduire les symptômes de la migraine et un apport excessif en caféine pouvant rendre le cerveau sensible et dépendant et entraîner des crises si la caféine est cessée. D’après le Dr Corand, il peut exister des céphalées de sevrage même chez les consommateurs modérés quotidiens. Vu que le risque de survenue de céphalées s’avère plus élevé au-delà de 540 mg/jour, la quantité quotidienne de caféine consommée devrait idéalement rester inférieure à 400 ou 500 mg. Quant aux consommateurs excessifs de caféine, deux études confirment qu’il est possible de réduire le risque de céphalées au moyen d’un sevrage progressif.
Par ailleurs, selon deux grandes études menées en 2014 et 2016, l’augmentation de la teneur en sodium de l’alimentation pourrait aggraver le risque de céphalées chez les patients hypertendus. Elle pourrait en revanche réduire la fréquence des céphalées chez les femmes présentant un indice de masse corporelle bas.
À savoir ! Certains aliments sont souvent rapportés comme déclencheurs de migraines. C’est le cas de l’alcool, des fromages vieillis, du chocolat, des charcuteries, des poissons fumés et des sodas allégés à base d’édulcorants. A noter cependant la difficulté de la tâche d’identification vu que certaines personnes présentent une réaction immédiate à l’aliment quand d’autres peuvent éprouver des symptômes migraineux jusqu’à 24h après consommation !
La littérature scientifique compile enfin des données relatives à différents compléments alimentaires comme ceux à base de grande camomille, de riboflavine ou de co-enzyme Q10. Cependant, il est à ce jour difficile de conclure avec certitude sur l’intérêt de leur utilisation dans la prévention des migraines.
L’impact du poids corporel dans la survenue des migraines
Maintenir un poids santé peut s’avérer grandement bénéfique dans la prévention des migraines. En effet, selon la fondation américaine de la migraine, le surpoids peut rendre plus sensible aux migraines ou en aggraver les symptômes. C’est ce que confirme le Dr Corand selon laquelle la littérature scientifique décrit une prévalence de la migraine multipliée par 1,5 chez les personnes obèses par rapport aux personnes ayant un poids normal. Ce lien est principalement prononcé chez les femmes en âge de procréer.
Par ailleurs, la fréquence des crises et le risque de progression vers la migraine chronique sont augmentés en cas d’obésité. Si un indice de masse corporelle élevé ne semble pas influencer la réponse aux traitements antimigraineux de fond, une méta-analyse suggère un effet favorable de la perte de poids sur la fréquence, l’intensité et la durée des crises migraineuses.
Des apports plus importants en acides gras polyinsaturés de type oméga 3 (anti-inflammatoires) et réduits en oméga 6 (pro-inflammatoires) permettraient également de réduire la fréquence et la sévérité des crises migraineuses.
Vers de nouvelles pistes de recherche contre la migraine
A ce jour, les scientifiques travaillent sur de nouvelles pistes de recherche parmi lesquelles la piste du microbiote et de l’axe intestin-cerveau. Certains travaux récents suggèrent en effet que la supplémentation en probiotiques pourrait aider à moduler la survenue des crises migraineuses.
Quant au sujet de la douleur migraineuse, une récente méta-analyse a mis en évidence un lien intéressant entre la prise de gingembre et la diminution significative de la douleur. Les patients migraineux ayant reçu du gingembre ont en effet signalé des diminutions significativement plus importantes de la douleur, des nausées et des vomissements, comparativement aux patients ayant reçu un placebo. Seul bémol, cette méta-analyse inclut un petit nombre d’études et les échantillons de volontaires restent de petite taille, ce qui ne permet pas pour le moment de dresser de conclusions solides.
L’alimentation semble donc pouvoir jouer un rôle clé dans la prévention et le soulagement des migraines. Mais compte tenu de la variabilité individuelle au sein de la population de patients migraineux, il est difficile de conclure explicitement sur la relation entre types d’aliments et risque de survenue de migraine. Une prise en charge des patients migraineux au cas par cas, par leur médecin traitant, un nutritionniste et un neurologue constitue alors la meilleure démarche pour adapter au mieux leur régime alimentaire à leurs symptômes et comorbidités éventuelles.
Déborah L., Docteur en Pharmacie